~La Gazette d'ITP~

Lynne se mordis les ongles. Elle attrapa un élastique et rassembla en queue de cheval ses longs cheveux châtains, épais et toufus. Même coiffés, ils paraissaient emmêlés. Espérons que le jury n'en tienne pas compte, pensa-t-elle, nerveuse. Elle lissa son pantalon d'équitation, fraichement lavé pour qu'il ait l'air blanc comme le jour où sa grande soeur, Marise, lui avait offert. Dire qu'à l'époque, il était trop grand pour elle; sa soeur avait dit que comme ça, Lynne pourrait le garder plus longtemps. A ce souvenir, la tristesse voilà ses yeux marrons. Sa soeur... Marise avait trois ans de plus que Lynne. Elle était belle, avec ses cheveux noirs et ses yeux gris, immense et brillants, sa minceur, sa peau mate et son sourire éclatant de blancheur. Sur la photo, du moins. Cette photo, la seule que Lynne possédait de sa soeur. Marinne y était assise dans l'herbe, elle avait douze ans. Vêtue d'un jean, chaussée de basket, un pull grossièrement tricoté sur le dos, tenant la longe d'un bel alezan musclé, son cheval, un magnifique hongre selle français de quatre ans, Maringo. Son sourire était éclatant, elle respirait la forme et la santé. La joie de vivre. Elle était belle. Elle était une cavalière accomplie, montant Maringo en concours, déjà en open. Une future championne. Sa soeur. Sa soeur qui avait trouvé la mort quelques mois après cette photo, lors d'un important concour de CSO. Maringo avait été effrayé par quelque chose, s'était cabré. Marinne était tombée. Le cheval s'était renversé, l'écrasant sous son poids. Il s'était brisé un vertèbre, avait dû être euthanasié. Et sa cavalière était morte.
Une larme perla au coin des yeux de Lynne. Plusieurs années après la mort de sa soeur, elle s'était décidée à remonter. Elle avait un cheval, un cheval gris pommelé, très bon sauteur. Après l'accident de Marinne, ses parents avaient été réticents à ce qu'elle reprenne l'équitation, mais avaient fini par accepter. Et aujourd'hui, à treize ans, Lynne, rongée ar le trac, s'apprêtait à participer à un important concour: elle était aux championnats de France juniors. Raison de plus d'être anxieuse. Elle chassa tout souvenir de son esprit, se concentrant sur le parcours qu'elle se remémorait. Treize obstacles, dont un triple. D'une hauteur de 1m70 à 1m80. Lynne était très douée. Et elle voulait faire de la compétition son métier. Pour elle, bien sûr. Mais aussi en souvenir de sa soeur. Une chose que ses parents avaient du mal à comprendre. Mais c'était compréhensible. Lynne leur était reconnaissante de lui avoir permi de continuer les concours, de l'avoir comprise.

Lynne respira un grand coup. Le ciel était gris pâle, mais aucune pluie à l'horizon. Il était neuf heures du matin. Plus qu'une heure avant son passage. Elle se dirigea vers le van. Son cheval, Souvenir d'un Temps était attaché dehors. Lynne attrapa sa boîte et commença à le panser rapidement. Elle l'avait soigneusement toiletté la veille. Il était impeccable. La jeune cavalière attrapa son tapis rouge flamboyant, qu'elle posa sur le dos de son hongre. Sur le bord était brodé le nom du cheval en lettres dorées. Lynne posa ensuite la belle selle de cuir noir. Puis lui mit le filet. Un nouveau filet, avec un mors à aiguilles. Son entraîneur lui avait conseillé de changer son habituelm mors à olives pour plus de contrôle sur le cheval. Lynne espérait simplement qu'il ne serait pas trop dur. Elle l'emmena jusqu'au paddock et monta souplement en selle. Elle ajusta ses rênes. Elle se calma aussitôt, elle le connaissait tellement, son cheval... Elle l'échauffa avec soin. Son entraîneur l'avait rejointe. Souvenir était un peu nerveux, un peu raide. Peut-être ressentait-il l'agitation ambiante. Rien de bien méchant. Enfin dix heures. Lynne se présenta. Et ce fut le départ. Elle lança son cheval dans un bon galop, lui fit décrire une courbe soignée. Il s'envola par-dessus le premier vertical. Lynne serra les mollets, lui faisant prendre plus de vitesse. Le cehval encenssa, mais franchit avec élégance l'oxer, puis le double, puis le SPA, puis puis le triple. Et tous les obstacles. Jusqu'au dernier. Lynne sentait la victoire à sa portée. Plus qu'un simple oxer. Le cheval était nerveux... Lynne le poussa, l'encouragea de la voix.
"Plus qu'un..."
Et le public se dressa, poussant un cri horrifié. Le cheval sauta. Et ses antérieurs se prirent dans les barres. Ils tombèrent, s'écrasant au sol. Lynne sentit une douleur fulgurante. Puis tout fut noir.